Alors qu’on a encore les marques de bronzage et du sable dans les chaussures, retrouver son bureau, son ordi, les deadlines et autres contraintes peut donner le sentiment d’un contraste chaud froid un peu violent. Se remettre en selle peut être difficile, d’autant plus que les congés n’ont pas nécessairement permis de gommer la fatigue accumulée depuis plusieurs mois, qu’elle soit physique ou mentale, et que la rentrée s’annonce bien remplie avec son lot de nouveaux changements.
Une capacité d’adaptation (encore) mise à l’épreuve
Au titre des changements les plus marquants, il y a celui concernant le télétravail. La dernière version du protocole sanitaire, entrée en vigueur le 1er septembre, entérine un nouvel assouplissement en mettant fin au nombre de jours minimal de télétravail en entreprise tout en renvoyant à cette dernière le soin d’en discuter avec les représentants des salariés. En pratique, 75 % des salariés étaient déjà revenus totalement sur site en juillet, selon une étude de la Dares, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques. Un assouplissement qui risque de renforcer les inégalités en matière de télétravail.
Pour bon nombre de salariés, c’est quoiqu’il en soit un mode d’organisation du travail hybride, entre présentiel et distanciel, qui va donc se renforcer, avec des modalités qui pourront varier selon les entreprises, les services voire même les métiers. Un casse-tête pour les directions et les services RH mais aussi pour les managers. Ces derniers vont devoir trouver rapidement leurs marques tout en accompagnant leurs équipes dans d’énièmes changements. Un contexte bien particulier qui peut donner des nœuds au cerveau. Mais l’enjeu est de taille et mérite qu’on s’y attarde, car derrière la question de l’organisation du travail, c’est celle de l’engagement et de la performance des équipes qui est en jeu.
Les pires ennemis de l’engagement : manque de proximité, de reconnaissance et de perspective
L’engagement est une énergie, une envie de nous investir au-delà de ce qui est strictement prescrit. Un collaborateur engagé s’implique de manière volontaire et positive dans son travail en donnant le meilleur de lui-même.
Un sentiment particulièrement vertueux qui n’est pas si développé en France, cette dernière se démarquant historiquement par un taux d’engagement parmi les plus faibles. Au titre des motifs récurrents de désengagement, on trouve le manque d’écoute, de proximité et de reconnaissance ou encore l’absence de perspective. On comprend ainsi que le manager joue un rôle essentiel dans l'engagement des individus.
Une nouvelle occasion de repenser sa pratique managériale
La période actuelle est une occasion nouvelle de se poser les bonnes questions quant à sa pratique managériale. Elle oblige à se questionner, à se challenger et à se renouveler. Un mal pour un bien qui nous rappelle à quel point il est nécessaire de savoir régulièrement appuyer sur pause pour s’auto-observer et mesurer l’impact de nos actions. Et pour cela, nul besoin d’y passer des heures, tout l’art étant de savoir intégrer ces moments de réflexion au fil de ses journées, comme un apprentissage continu.
Ainsi, questionner ses pratiques managériales à l’aune du contexte actuel, c’est d’abord faire le point sur ce qui a été fait jusqu’alors : qu’est-ce qui a bien fonctionné ? qu’est-ce qui doit absolument être gardé ? qu’est-ce qui n’a pas marché ? qu’est-ce qui ne doit surtout pas être réitéré ? Puis se demander ce qui manque ou ce qui doit être fait différemment. Un travail d’introspection qu’il ne faut surtout pas hésiter à confronter à des regards externes demandant du feedback à ses équipes, ses pairs ou son manager.
Donner des perspectives et du sens
Peu de gens aiment conduire dans le brouillard. On ne voit pas la route, on ne perçoit pas les éventuels virages, on ne peut pas anticiper les dangers. Un inconfort qui peut être anxiogène et qui nous amène spontanément à réduire notre vitesse. Au travail, c’est exactement pareil. Si on ne sait pas où on va on se met en mode observateur, on reste vigilant et on réduit la cadence.
Alors pour dissiper le brouillard il est essentiel d’expliquer, très régulièrement, ce qui se profile à l’horizon. Revenir sur les objectifs qu’on souhaite atteindre et les étapes à franchir pour y parvenir. Puis expliquer pourquoi, donner du sens en revenant sur la mission et la vision de l’entreprise (ce qu'elle fait, ce qu'elle porte et ce vers quoi elle veut aller).
Cultiver la proximité
L’alternance de présentiel et de distanciel oblige à repenser ses façons de maintenir le lien avec ses collaborateurs. Qu’ils soient formels ou informels, les échanges doivent être réguliers et variés. En présentiel, on privilégiera les moments en groupe de type team building ou brainstorming et en distanciel, les moments plus descendants, moins interactifs. Car même si les solutions digitales permettent aujourd’hui d’animer tous types de réunions avec ses équipes, le distanciel rend la communication plus compliquée en nous en privant d'une partie essentielle, le non verbal, et peut plus facilement brider les plus réservés.
De manière générale, les moments d’échanges doivent être cultivés, à commencer par les échanges informels. Ces derniers permettent de mieux se connaître, de libérer la parole et de générer de la confiance. Ils montrent, également, une forme d’attention à l’autre. Avec le télétravail, l’informel doit être provoqué. Pour cela, il ne faut pas hésiter à utiliser les chats et à participer aux réseaux sociaux d’entreprise ou propres à l'équipe. Il est également possible d’organiser des temps de pause en distanciel partagée avec l’équipe (déjeuner, café etc.). Certaines startups ont également créé, pour les jours de télétravail, des “salles de pause” virtuelles dans lesquelles chacun peut se rendre à n’importe quel moment de la journée pour discuter avec son manager ou un collègue.
Encourager et valoriser
Montrer son soutien dans le travail accompli, encourager et féliciter est essentiel. Pour cela, instaurer un feedback régulier est un signe fort de reconnaissance. On montre qu’on est attentif à l’autre et qu’on s’investit pour son développement.
Au-delà du feedback formel, il est important de consommer, sans trop de modération, les petites “choses” du quotidien qu’on ne pense pas suffisamment à dire et qui sont pourtant si appréciables : des mots simples formulés au détour d’un échange, d’un chat, dans un mail - un “bravo”, “super” ou un “merci”… Et pourquoi pas également, à une époque où l’on se filme comme on like une photo, adresser une courte vidéo enregistrée sur le pouce pour soutenir un projet, une initiative, une action.
Favoriser la coopération
Les environnements sont de plus en plus complexes et mouvants. En faisant appel à l’intelligence collective, on facilite le partage des compétences et des connaissances et on stimule la créativité.
Pour le manager, l’enjeu est de créer les conditions propices à l’intelligence collective. Pour cela, il doit tout d’abord montrer l’intérêt à travailler ensemble plutôt que seul en y donnant du sens et en favorisant la reconnaissance du collectif. Il doit veiller, ensuite, à créer des espaces temps et lieu pour démultiplier les interactions. Il lui faut, enfin, montrer l’exemple en développant des postures d’ouverture et d’empathie, en s’impliquant dans les projets et en laissant la possibilité, aux autres, de s’impliquer dans les siens.
Aligner les paroles et les actes
Difficile d’être engagé quand les actes ne sont pas en phase avec les discours. Car l’engagement est un sentiment fort, personnel, mêlé de fierté et de confiance. Alors si le disque est rayé, que la mélodie est en décalage avec la musique, ces sentiments peuvent s'évanouir aussi vite qu’ils se sont formés.
Faire ce qu’on dit et dire ce qu’on fait, mais aussi porter, par ses actes et ses paroles, les valeurs et les postures qu’on revendique est donc primordial. Une vigilance de chaque instant même pour les managers les plus authentiques, car nul n’est à l’abri de ses propres dissonances cognitives. Une fois de plus, la clé pour s’améliorer sur ce point réside dans la capacité à s’auto-observer et à demander du feedback.
Ainsi en cette période de rentrée, il est particulièrement important d'être vigilant à la jauge d'énergie individuelle et collective pour s'assurer une fin d'année réussie. Un réflexe que tout manager devrait être capable d'adopter et qui repose sur 3 ingrédients clés : la capacité à s'auto-observer, à se remettre en question et à se renouveler.
Photo de Andrea Piacquadio provenant de Pexels
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